Souvent de manière involontaire, tout le monde utilise l’imagerie mentale. Sportif, amateur ou de haut niveau, éducateur, coach, entrepreneur, manager, vous en avez sans doute déjà entendu parler. Prenez un de vos albums de vacances et, sans l’avoir ouvert, vous avez déjà des images, des sons, des odeurs qui vous reviennent à l’esprit.
Je vous propose de vous expliquer comment elle permet d’améliorer ses performances, quels sont ses mécanismes et pourquoi cela produit des effets sur le corps humain.
L’imagerie mentale, qu’est-ce que c’est ?
Commençons tout d’abord sur la notion d’imagerie. On peut la définir comme une représentation personnelle plus ou moins fidèle que l’on construit de la réalité, d’une personne, d’un objet ou d’une situation – en utilisant l’ensemble de nos sens externes (imagination visuelle, audition, odorat, goût, kinesthésie) et internes (proprioception, équilibrioception, thermoception et nociception).
Elle intervient également dans la création et la construction d’une forme, d’un objet, d’une situation que nous n’avons encore jamais vécus ou rencontrés.
Il existe ainsi deux catégories d’images :
- les images mentales “reproductrices » faites à partir d’objets connus ou des événements vécus.
- les images “anticipatrices”, à l’inverse,représentent des situations complètement imaginées et imaginaires.
Quant à l’imagerie mentale, elle consiste en une représentation mentale d’un moment, d’un mouvement ou d’une action, sans la réaliser. Par exemple, on imagine un lancer franc sans le réaliser. On crée une image mentale de nous en train de réaliser ce mouvement de la flexion des jambes aux contacts du ballon avec les mains. Mais on peut aller encore plus loin en imaginant la pression ressentie intrinsèquement si ce lancer franc est déterminé pour mener mon équipe à la victoire ou évitant même sa relégation…
Enfin, de manière schématique, différents types d’images mentales existent en fonction des sens sollicités. En réalité, il serait plus juste de dire que les images mentales que nous nous créons sont constitués de “sous-systèmes” liés à chacun de nos sens. On en dénombre six :
L’imagerie visuelle : elle correspond à une représentation visuelle d’un objet, d’une scène. Elle peut être de deux formes. La personne se voit en train de vivre la situation en étant en dehors de la scène ou dans la scène. On pourrait assimiler cela au cinéma en prenant le rôle du cadreur et celui de l’acteur.
L’imagerie kinesthésique : la perception des informations corporelles “ internes ” (proprioception, thermoception, …).
NB : Ces différents sens internes seront dans un futur article.
L’imagerie auditive : sons issus de nos actions ou du champ d’action (Par exemple, les cris de la foule en euphorie…), mais également notre discours intérieur (cette petite voix que vous entendez dans votre tête qui a un véritable pouvoir).
L’imagerie tactile : la représentation des contacts entre le corps et son environnement. On pense à la prise de la raquette dans la main.
L’imagerie gustative: la représentation du goût. (par exemple le goût du fruit mangé à la pause)
L’imagerie olfactive : ce sont toutes les odeurs qui sont associées à la pratique. On trouvera, par exemple, l’odeur du vestiaire d’avant match ou celle d’une salle après une réunion à fort enjeu.
L’imagerie mentale trouve un terrain d’application extrêmement riche dans la préparation mentale sans se restreindre aux sportifs.
A quoi sert l’imagerie mentale ?
Maintenant que vous en savez un peu plus sur ce qu’est l’imagerie mentale, voyons ensemble ses domaines d’application. Les modalités, le moment et la durée adéquats de recours à l’imagerie motrice peuvent varier.
L’imagerie mentale a un champ d’application très conséquent. Elle se pratique pour :
- Les apprentissages moteurs et la performance
Pour développer sa performance, il est particulièrement recommandé d’utiliser l’imagerie directement pendant l’entraînement pour coupler entraînement physique et mental. Cela est également recommandée pour préparer des rendez-vous importants.
Lors d’une étude conduite par le Docteur Blaslotto à l’université de Chicago, une équipe de Basket Ball a été divisée en 3 groupes afin de tester leur habilité au lancer franc :
• Le premier groupe pratiqua des lancers francs durant une heure quotidiennement.
• Le second groupe se contenta de se visualiser en train de réaliser des lancers francs.
• Le troisième groupe, enfin, n’eut rien à faire.
Après 30 jours, les groupes furent de nouveau soumis au test des lancers francs.
• Le troisième groupe ne s’améliora évidemment pas.
• Le premier groupe s’améliora de 24 %.
• Enfin le second groupe, lui, progressa de 23 % par la seule visualisation.
La visualisation a donc eu un effet sur la performance presque aussi important que l’entraînement physique !
Grâce à la répétition de cette visualisation (ici pendant 30 jours consécutifs), de nouvelles connexions neuronales ont donc été mises en place (plasticité cérébrale), comme si les personnes s’étaient entraînées, leur permettant de progresser réellement, sans avoir touché un ballon…
- Les stratégies et la résolution de problème
Lorsqu’elle est utilisée pour construire une stratégie et régler un problème particulier (exemple : quel argument proposé et défendre pour convaincre un client ou quelle stratégie adoptée face à cet adversaire), l’imagerie s’intègre idéalement dans la routine de pré-performance. Vous allez ainsi planifier des sessions d’imagerie permettant d’utiliser votre cerveau comme un simulateur “4 D” afin de construire, tester et choisir les solutions les plus adéquates, tout en développant votre confiance en vous, et en ces solutions.
- La motivation, la confiance en soi, mais aussi la gestion du stress (anxiété) et des émotions
On peut également recourir à l’imagerie à tout moment pour développer la motivation et la confiance en soi. Elle peut être intégrée à un cycle de relâchement en fin d’entraînement, mais également sur son temps libre, sur des séances de relaxation spécifiques ou au sein de routines de pré-performance. On ne cherchera pas dans ce cas à construire des images précises d’un point de vue technique ou physique, mais plutôt à générer des émotions positives.
- La rééducation fonctionnelle
L’imagerie mentale est souvent utilisée lors des séances de rééducation et de kinésithérapie dans le domaine de la rééducation fonctionnelle.
- La gestion de la douleur
Enfin, l’imagerie mentale permet non pas d’effacer la douleur mais de réduire sa perception. En simplifiant, si je n’anticipe pas de manière anxieuse la douleur et si j’imagine d’une autre façon sa perception, cela me permet de réduire son impact sur mon ressenti.
Le fonctionnement de l’imagerie mentale et ses effets.
Regardons de plus près le fonctionnement de l’imagerie mentale en nous appuyant sur les effets qui ont aujourd’hui été attestés scientifiquement.
Lorsque l’on réalise un mouvement – lancer un ballon lors d’une touche ou demander la parole lors d’une réunion à enjeu – on active certaines zones de notre cerveau, qui nous permettent notamment de visualiser notre geste, de prendre les informations contextuelles, de la réaliser puis de déjà me préparer pour les actions futures.
De la même manière, quand on imagine de manière précise ce geste – en utilisant nos différents sens – sans le réaliser, notre cerveau s’active.
Là où cela devient intéressant, et l’on doit cette découverte aux neurosciences, c’est que les zones cérébrales activées sont très similaires dans les deux cas – c’est ce que l’on appelle l’équivalence neuro fonctionnelle.
Ainsi, en simplifiant drastiquement, imaginer la balle ou une réunion revient à les voir.
Grâce aux IRM, les recherches ont permis de constater que cela était le cas pour la vision (des zones très proches s’activent dans notre cerveau lorsque j’imagine mon partenaire {ou collègue} ou que je le vois réellement), mais également pour la motricité. Ainsi, les aires du cerveau responsables du mouvement s’activent lorsqu’on imagine un mouvement sans le réaliser.
Comparaison des aires activées lors d’une image motrice et d’un mouvement. Hanakawa et Al (2008)
C’est pourquoi l’imagerie mentale aide à la réalisation des mouvements imaginés. Des bénéfices ont ainsi pu être démontrés notamment chez des Judokas ceintures noires, qui ont amélioré leur vitesse d’exécution grâce à la visualisation et l’imagerie motrice (Aymeric Guillot, in visualisation en sport de combat).
Précisons néanmoins que vous ne deviendrez pas bodybuildés grâce à l’imagerie mentale ! En effet, entre autres facteurs, l’impact de l’imagerie mentale dépend de la manière dont notre corps est “codé” par notre cerveau : plus une zone de notre corps est codée de manière détaillée, plus l’imagerie motrice a d’effets. Or, si des zones comme les mains sont particulièrement bien codées, les “gros” muscles sont quant à eux codés beaucoup plus basiquement. L’impact de l’imagerie est donc plus limitée. En revanche, les gains en termes de coordination motrice peuvent être significatifs !
De plus, selon le type d’imagerie utilisée, ce ne sont pas les mêmes zones du cerveau qui sont utilisées. Par exemple, lors de l’imagerie visuelle externe (où je me vois faire l’action) les zones responsables de la vision s’activent davantage alors que lorsque l’on construit une image visuelle « interne » (où je suis en moi), ce sont les systèmes moteurs qui sont les plus engagés. La vitesse du mouvement, qu’il soit rapide ou lent, n’active pas non plus les mêmes zones du cerveau. On pourra ainsi privilégier un certain type d’imagerie motrice en fonction de ses objectifs de maîtrise ou de performance, ou alterner entre les types de visualisation.
Enfin, le niveau de pratique est un facteur important dans l’utilisation de l’imagerie mentale. En effet, le cerveau d’une personne débutante ne fonctionne pas aussi efficacement que celui d’une personne experte lors d’une image mentale. Toutefois, cela lui permettra de progresser beaucoup plus vite que le débutant qui ne fera que la pratique technique. Un individu qui a l’habitude d’utiliser l’imagerie mentale utilise (inconsciemment) précisément les réseaux de neurones pertinents et les active plus intensément. Au contraire du débutant qui active plus de réseaux de neurones (moins précis). En conséquence, l’expert économise son énergie et crée une image motrice plus précise et plus rapidement que le débutant. Ce phénomène “d’optimisation” neuronale chez l’expert est dû à l’automatisation des tâches. C’est ce qu’on appelle “l’efficience corticale”, c’est-à-dire que le mouvement, l’action, … passent d’un contrôle cortical (au niveau du cortex cérébral) à un contrôle sous cortical – au niveau des automatismes. En d’autres termes, l’utilisation des réseaux neuronaux est plus ciblée ce qui permet de libérer des structures corticales pour faire autre chose. C’est par exemple ce mécanisme qui vous permet de conduire tout en tenant une discussion animée avec votre passager, tandis que vous deviez initialement être complètement concentré sur vos gestes lors de l’apprentissage de la conduite.
Bien évidement et pour finir, pour que cette imagerie mentale soit optimale, il faut avant tout réguler et abaisser son niveau d’activation global afin qu’elle soit la plus ciblée possible.
Points-clés sur l’imagerie mentale.
• L’imagerie mentale est une représentation proche d’une situation passée ou future sans l’effectuer.
• L’imagerie mentale se trouve sous plusieurs formes : la visualisation, la kinesthésie, l’audition, le goût, l’odorat et les sens internes.
• Elle peut être utilisée pour la performance, les stratégies, la confiance en soi, la rééducation fonctionnelle et la gestion de la douleur.
• On emploie des réseaux quasi-similaires de neurones avec une image motrice qu’en réalisant le mouvement – c’est le principe d’équivalence neurofonctionnelle.
• Un cerveau expert utilise plus efficacement les réseaux neuronaux qu’un cerveau débutant – c’est l’efficience corticale.
Sources :
• Formation “Neurosciences pour l’accompagnement”, Arche, module “imagerie Motrice” présentée par Aymeric Guillot (docteur en sciences et techniques des activités physiques et sportives et professeur des universités).
• Conférence « Ted » de Aymeric Guillot sur l’imagerie mentale : https://www.youtube.com/watch?v=32dape5tzxA
• « Visualisation en sport de combat – Vaincre grâce au mental » Aymeric Guillot. Ed Amphora
• https://changeraujourdhui.com/imagerie-motrice-performances/
• Basketball Visualisation study by Docteur Blaslotto in University Chicago 1996
Pour aller plus loin et comprendre comment notre corps est codé par notre cerveau, vous pouvez consulter l’article : https://sensoridys.fr/2019/12/04/carte-corticale-proprioceptive/
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