Un métier à haut risque, bien au-delà du feu

Être sapeur-pompier, c’est faire face quotidiennement à l’urgence, au danger et à la souffrance humaine. Derrière chaque intervention se cache une part d’imprévisible et une charge émotionnelle intense : un accident grave, un incendie mortel, une victime que l’on ne peut pas sauver, ou encore une assistance à la population lorsqu’aucun autre service ne peut (ou ne veut) intervenir.

Ces événements laissent des traces, parfois discrètes au début, mais qui s’accumulent au fil du temps jusqu’à devenir insupportables. Le syndrome de stress post-traumatique (SSPT) touche environ 10 % des sapeurs-pompiers, selon une étude de l’American Journal of Industrial Medicine. Ce trouble ne résulte pas toujours d’un seul drame, mais souvent d’un cumul d’interventions difficiles ou, dans certains cas, de « l’intervention de trop », celle qui fait tout basculer.

« Ce jour-là, nous avons craint pour nos vies »

Témoignage de Matthieu Josse, sapeur-pompier professionnel

« En intervention, le stress est inévitable. C’est une réaction normale qui nous permet de nous adapter aux situations extrêmes. Mais parfois, ce stress devient ingérable. Un jour, lors d’un incendie dans un hangar, tout a dérapé. Une explosion nous a pris au piège, et nous étions encerclés par les flammes. Ce jour-là, nous avons craint pour nos vies. Je pensais pouvoir gérer, mais les jours suivants, je n’étais plus le même : cauchemars, angoisses permanentes, irritabilité… Le stress était devenu un poison. »

Comprendre le syndrome de stress post-traumatique (SSPT)

Le SSPT est un trouble psychologique qui survient après une exposition à un événement traumatisant. Chez les sapeurs-pompiers, ce traumatisme peut être causé par :

  • Un choc unique : une intervention particulièrement marquante (enfant décédé, accident violent, perte d’un collègue).
  • Un stress accumulé : l’effet répétitif des interventions difficiles qui érode progressivement la résilience.
  • Une confrontation personnelle à la mort : être directement en danger lors d’une intervention.

Selon le DSM-5 (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux), le SSPT peut survenir après :

✔️ Une exposition directe à un événement traumatisant.
✔️ Le fait d’être témoin d’un drame.
✔️ L’annonce d’un drame touchant un proche.
✔️ Une exposition répétée à des images traumatisantes.

Les signes qui doivent alerter

Le SSPT peut se manifester différemment selon les individus, mais certains symptômes sont récurrents :

1️⃣ Reviviscence : flashbacks, cauchemars, pensées envahissantes.
2️⃣ Évitement : refus d’en parler, isolement, repli sur soi.
3️⃣ Hypervigilance : stress permanent, irritabilité, troubles du sommeil.
4️⃣ Engourdissement émotionnel : perte d’intérêt, détachement affectif.
5️⃣ Troubles physiques : fatigue, palpitations, douleurs inexpliquées.
6️⃣ Addictions et comportements à risque : alcool, médicaments, bigorexie (addiction au sport), conduite dangereuse.

Certains pompiers mettent du temps à reconnaître leur souffrance, pensant qu’il suffit de « tenir bon ». Mais ce silence aggrave souvent leur état. L’entourage peut ne rien voir, et tant que la personne touchée ne prend pas conscience de sa souffrance, elle reste enfermée dans une spirale destructrice.

🔹 « Une personne qui se noie dans une piscine a beau voir une main tendue, elle ne pourra remonter qu’en trouvant elle-même la force d’appuyer sur le fond pour refaire surface. »

« Si vous voulez comprendre mon histoire… »

Témoignage de Guillaume, sapeur-pompier professionnel

« Chaque intervention laisse une trace, mais on se persuade que ça va passer. Un jour pourtant, c’est l’intervention de trop. Pour moi, c’était un accident de voiture impliquant des enfants. J’ai fait ce que j’ai pu, mais l’issue a été dramatique. Après ça, je n’étais plus moi-même. J’ai perdu le sommeil, j’étais à cran tout le temps. À la caserne, je souriais, mais à l’intérieur, je m’effondrais. »

Comment accompagner les sapeurs-pompiers face au SSPT ?

Pour éviter qu’un pompier ne sombre dans le SSPT, il est essentiel d’adopter des stratégies de prévention et d’accompagnement.

1. Une réaction immédiate après intervention

  • Débriefing opérationnel : échange avec l’équipe immédiatement après une intervention difficile.
  • Défusing : temps de parole pour évacuer les émotions à chaud.

2. Une prise en charge structurée

  • Écoute active : offrir un espace sécurisé pour s’exprimer sans jugement.
  • Encourager la parole : reconnaître la souffrance sans minimiser.
  • Proposer un suivi psychologique : consultation avec des spécialistes du trauma.

3. Des conseils pratiques pour les sapeurs-pompiers

  • Ne pas s’isoler : parler à ses proches ou collègues de confiance.
  • Préserver son sommeil : éviter les écrans et l’alcool avant de dormir.
  • Pratiquer une activité apaisante : sport, yoga, méditation, arts martiaux…
  • Se méfier des addictions : éviter l’alcool, les médicaments, alimentation transformée et la bigorexie.
  • Limiter l’exposition aux réseaux sociaux : ne pas se replonger dans des images traumatisantes.

4. Des soins adaptés

  • Psychothérapie : EMDR (désensibilisation par mouvements oculaires), tapping (technique de libération émotionnelle).
  • Groupes de parole : échanger avec d’autres sapeurs-pompiers en souffrance.
  • Soutien aux familles : car les proches sont aussi impactés par le trauma.

Un enjeu majeur pour les services d’incendie et de secours

Les GDO (Guides de Doctrine Opérationnelle) insistent sur la préservation du potentiel psychologique des sapeurs-pompiers. Certains SDIS commencent à investir dans des formations en santé mentale, mais d’autres, faute de moyens, improvisent des solutions peu adaptées.

Or, un pompier bien accompagné pourra mieux faire face aux traumatismes et continuer à exercer avec moins de chances de s’effondrer.

« Ce pompier lance l’alerte »

Un sapeur-pompier vendéen a récemment témoigné de son combat contre le stress post-traumatique et du rôle clé de son chien d’assistance. Son témoignage rappelle l’importance de briser le tabou autour de cette souffrance invisible.
📺 Regarder son témoignage 

Briser le tabou pour protéger ceux qui protègent

Le stress post-traumatique ne doit plus être un sujet tabou. Il est essentiel que chaque sapeur-pompier puisse parler sans crainte, en sachant qu’il existe des solutions pour aller mieux.

📩 Besoin d’aide ?
Si vous êtes sapeur-pompier ou responsable d’un SDIS et souhaitez mettre en place des solutions concrètes pour préserver le potentiel psychologique des équipes, contactez-moi pour un accompagnement personnalisé.

💬 « Le courage n’est pas l’absence de peur, mais la capacité de vaincre ce qui fait peur. » – Nelson Mandela

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *