Intervention forte en émotion, situation limite, décès, souffrance visible, malaise d’un équipier ou scène complexe : certaines gardes laissent des traces, même silencieuses.
En tant que chef d’agrès, vous êtes en première ligne pour amorcer un retour au calme, préserver la santé mentale du binôme, et maintenir la dynamique d’équipe.
Voici une trame en plusieurs temps, adaptée aux réalités du terrain, pour assurer un suivi discret, humain et efficace.
1. Juste après le reconditionnement, avant de reprendre la route vers le CIS
⮕ Temps : 2 à 5 minutes – au calme, à côté de l’engin
Objectif : amorcer un retour à la normale, relâcher la pression.
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Prenez le temps d’un moment sans tension : « Ça va ? Pas trop secouant ? »
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Autorisez un mini-débrief spontané : « Y’a un truc qui t’a marqué ou dérangé pendant l’inter ? »
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Ramenez à l’objectif atteint : « On a fait ce qu’il fallait, chacun a tenu son rôle. »
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Respirez ensemble : s’asseoir 30 secondes, boire un coup, couper le gyro.
🎯 Pourquoi ? Ce micro-espace permet d’absorber l’émotion, de se recentrer, et de normaliser les réactions (émotion, silence, humour défensif…).
2. Retour au CIS – derrière l’engin ou dans la remise
⮕ Temps : 5 minutes – dans un espace sécurisé, sans hiérarchie directe à proximité
Objectif : valider la posture pro, ouvrir l’espace d’expression.
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Reformule les points techniques : « Intervention bien menée, pas de bug sur le plan orga. »
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Autorise les émotions : « Je t’ai senti tendu à un moment, c’était chaud pour toi ? »
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Revalorise l’engagement : « C’était pas une inter’ facile, et t’as bien tenu. »
💡 Astuce : ne cherche pas à faire parler, mais sois disponible si ça vient.
3. Le lendemain : un appel ou un SMS pour garder le lien
⮕ 5 minutes au téléphone ou un message court
Exemple de SMS :
Salut [prénom], j’espère que ça va. Juste un petit mot après l’inter d’hier. Bien dormi ? Pas trop de tension ou d’images qui reviennent ?
Si jamais t’as besoin d’en reparler, je suis là. On a bien bossé en tout cas. À bientôt !
Objectif : repérer les éventuels signes de charge émotionnelle différée et rappeler que personne ne doit rester seul avec un ressenti trop lourd.
4. Alerter le chef de garde en cas de doute
⮕ Si vous percevez un mal-être latent (fatigue inhabituelle, isolement, repli, agitation, propos ambigus…) :
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Parlez-en discrètement au chef de garde ou à un référent sensibilisé.
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Mentionnez seulement des faits observables, pas d’interprétation.
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Préférez la formule : « Je ne sais pas s’il va bien, mais je préfère signaler ce que j’ai vu. »
🎯 Pourquoi ? Car certains effets du stress post-traumatique n’apparaissent qu’après coup (troubles du sommeil, irritabilité, évitement…).
5. [Autres points de vigilance]
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Ne jamais minimiser une intervention a priori « simple » : c’est parfois l’histoire personnelle ou un détail visuel qui vient heurter l’équipier.
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Ne pas faire d’humour déplacé trop tôt, même si c’est une soupape fréquente : cela peut fermer la parole.
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Prévoir un retour sur l’intervention à froid lors du briefing suivant, si besoin.
Et toi, chef d’agrès : savoir se livrer (juste un peu)
N’oubliez pas que votre posture inspire, rassure et donne le ton. Se livrer brièvement avec authenticité peut ouvrir la voie :
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« J’y ai repensé en m’endormant, ça m’a brassé un peu… »
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« Ce genre de scène me touche toujours, même après X années. »
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« Ce que j’ai trouvé fort, c’est la façon dont on a tenu ensemble. »
Terminez toujours en valorisant l’humain et le collectif :
« J’ai apprécié bosser avec toi/vous. Ce n’est pas toujours évident ce qu’on vit, mais on peut compter les uns sur les autres. »
✅ En résumé
Temps | Objectif | Forme |
---|---|---|
🔹 Après l’intervention | Relâcher la tension immédiate | Échange rapide hors de l’ambiance opérationnelle |
🔹 Retour au CIS | Normaliser, valider, écouter | Moment discret à l’écart |
🔹 Le lendemain | Suivi à froid | SMS ou appel court |
🔹 Sur les gardes suivantes | Vigilance collective | Signalement bienveillant au chef de garde |
🔹 Et toi ? | Être humain, pas surhumain | Partager un peu, valoriser beaucoup |
En cas de doute, comme on dit, il n’y a pas de doute, ne pas hésiter à contacter ou orienter vers l’USP (Unité de Soutien Psychologique / nouvelle appelation de la CAMPSY).
Non, promis, le SSSM ne me reverse aucun royalties…
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